Revue de presse
Les Tablettes des Chanteroels
Le Manuscrit apocryphe
Lettrissimus Historica (N°254 – Janvier 2002)
Alsace. Suite à la mise en route d’un lotissement baptisé les « Chanteroels » en raison de la profusion du champignon éponyme (en patois local) qu’on y trouvait, une première pierre couverte de signes avait été déterrée en septembre 2001 par les dents d’une pelle mécanique. Dans les semaines qui suivirent, une vingtaine d’autres tablettes furent mises au jour. Très vite, au fil des mois, les experts comprirent qu’il y avait là matière à s’interroger. En effet, ces dalles recelaient manifestement un texte dont personne n’a pu à ce jour dévoiler le contenu.
Des tablettes au manuscrit apocryphe.
Depuis quelques semaines, une évidence troublante apporte un éclairage qui donne au casse-tête une dimension nouvelle. Certains extraits épigraphiques figurant sur les tablettes (ce que l’on appelle gloses) paraissent faire formellement écho aux idéogrammes d’un texte conservé sous scellé parmi les œuvres anciennes du Cloître des Dominicains à Colmar : le manuscrit apocryphe. Que savons-nous de cet ouvrage ? Les caractères qui le composent présentent des liens étonnants avec les graphismes de certains tags et autres graffiti urbains contemporains. Cette concordance vient à point nommé renchérir une théorie linguistique dite transversaliste, au demeurant fort décriée.
Historique de la découverte.
À l’instar d’André Breton et d’Aragon découvrant l’unique exemplaire connu des Chants de Maldoror conservé à la bibliothèque nationale, Francis Gut conservateur du Cloître des Dominicains de Colmar, trouva parmi les ouvrages du 8ème siècle un manuscrit qui lui parut plus appartenir à l’environnement du tag ou du logo contemporain, qu’à l’écriture caroline des incunables couvrant les rayons de la vénérable institution dont il avait la charge. Il semblerait que le manuscrit en question ait également transité par la Bibliothèque humaniste de Sélestat et que celles de Kassel et Mayence l’aient eu un temps en leur possession. Ainsi, Erasme, et quatre siècles plus tard, les frères Grimm furent peut-être les premiers savants à tenir l’ouvrage entre leurs mains. L’appellation d’apocryphe, quant à elle, tient semble-t-il du fait que ce manuscrit présente des caractères ne s’apparentant à aucun canon formel. Si un jour on parvient à décrypter le texte, il ne serait pas surprenant que ce qualificatif s’adresse dès lors plus encore à son contenu. Pour la plupart, on ne s’en étonnera pas non plus, les exégètes du manuscrit sont plutôt partisans des thèses transversalistes auxquelles l’ouvrage apporte une caution aussi soudaine qu’inespérée.
Le transversalisme.
Il s’agit d’une appréhension du langage que d’aucuns, à la faveur d’un poststructuralisme encore tiède mais toujours pétri de certitudes anciennes, s’étaient déjà empressés de jeter aux oubliettes de l’histoire. Cette conjecture laisserait en effet entendre que les civilisations passent et repassent par des stades d’évolution qu’elles connaîtraient déjà. En d’autres termes, l’homo sapiens tendrait selon ses nécessités du moment, à reproduire sur le plan de la forme des archétypes de communication appartenant à son ancêtre l’homo erectus, vénérable sénescent qui ne connaissait pas l’écriture. Mieux, il aurait lui-même emprunté le processus à son propre ascendant, l’homo habilis…